À retenir
- Digitaliser des processus bouleverse les pratiques et nécessite de penser différemment
- Connaître un échec lors d’une expérimentation en digital représente une opportunité d’apprentissage pour ajuster, itérer, optimiser et réussir les essais suivants
- Intégrer des compétences digitales clés permet à l’association d’accélérer sa transformation digitale et briser les plafonds de verre qui limitent la croissance de l’association.
Digitaliser la mobilisation des bénévoles : une idée « trop » novatrice ?
Au départ de nos échanges entre la Fondation AlphaOmega et l’AFEV, l'idée d'une mobilisation digitale semblait difficile à concrétiser. Il faut dire que l'association était habituée au recrutement en présentiel sur les campus. Mieux, la présence sur les campus faisait partie de l’ADN de l’AFEV. Aussi, du côté de l’association, il y avait un certain scepticisme quant à la capacité à attirer des bénévoles étudiants en ligne.
Côté Fondation, recruter par le digital nous paraissait une opportunité de s’affranchir des contraintes du présentiel : nécessité d’une équipe nombreuse de volontaires mobilisés plusieurs heures par jour sur site, besoin de les former chaque année en raison du turn over naturel des équipes, contraintes météo en novembre, janvier ou février qui fait que certains jours sont moins propices au recrutement que d’autres ... Ces mobilisations sur site étaient connues par les équipes pour être très intensives, et l’idée de devoir recruter beaucoup plus par ce moyen posait la question de la limite de ce type d’approche. Les méthodes de marketing de rue avaient fait leurs preuves, mais jusqu’à quel point ? Problème : l’AFEV ne voyait pas comment transposer ces méthodes en mode digital et nous, nous insistions pour mener une expérimentation afin de toucher un public plus large.



La première expérimentation : un échec instructif
Pour lancer l’expérimentation, nous avions eu recours aux agences Hopening et Fantastique Bazar, afin d’élaborer une méthode spécifique de recrutement des mentors en digital. L'idée était de capter les étudiants sur les réseaux sociaux pour les emmener vers une page d'atterrissage attractive avec un quiz d’incitation à devenir mentors. Les résultats ont été décevants. Peu de prospects ou « leads » allaient au bout de la démarche d’engagement. Si le dispositif digital permettait de toucher beaucoup d’étudiants, passée la page de recrutement, le nombre de conversions s’effondrait. Entre le coût de la publicité et le faible taux de transformation, le coût d'acquisition de mentors devenait très élevé.
Pour la direction générale de l'AFEV, cet échec confirmait leurs doutes initiaux. Pour elle, il n'était pas possible de mobiliser des étudiants sur ce type d'engagement avec le digital. Cependant, à la Fondation, l'équipe préconisait tout de même de persévérer tout en reconnaissant que la méthode n’était peut-être pas la bonne. Pour nous, cette expérimentation digitale n’était que la première étape. En analysant les parcours utilisateurs, les données à disposition, les forces et faiblesses, nous pourrions corriger ce qui avait péché.
Analyse des données : comprendre pour mieux rebondir
L'échec de cette première expérimentation a amené l'équipe à se poser les bonnes questions :
- Touchions-nous les bonnes cibles ?
- Le message que nous véhiculions était-il adapté aux étudiants ?
- L'expérience utilisateur était-elle suffisamment fluide et engageante ?
- Les coûts d'acquisition étaient-ils maîtrisés ?
En analysant les données, l'équipe a pu identifier les points faibles de l'approche et envisager des solutions pour mettre en place une seconde expérimentation avec le concours de Benoît Dussaux, arrivé entre temps en tant que Chief digital officer, pour apporter à l’AFEV son expertise pointue.
La seconde tentative : une approche plus ciblée et personnalisée
Forts de ces enseignements, l’équipe a décidé de lancer une seconde expérimentation : nous avons recommandé l’agence Ads for Change à Benoît Dussaux, désormais à la tête du digital côté AFEV. Ads for Change était une structure spécialisée dans l’acquisition digitale pour les associations et dont le fondateur, Mehdi Sellami, était un ancien de Google. Cette fois-ci, l’équipe a opté pour une approche plus ciblée et personnalisée, en adaptant les messages et les formats aux différents canaux digitaux. L’équipe a également mis en place un parcours de conversion plus fluide et engageant, en utilisant des outils no-code pour faciliter l’automatisation et la personnalisation des interactions.
Itérations successives : une amélioration continue
Au fil des mois, l’équipe a continué à itérer et à optimiser l’approche, en se basant sur les données et les retours des utilisateurs. « En fonction du comportement de la personne qui a cliqué sur la publicité, nous avons adapté l’interaction » me confiait Benoît. Patiemment, l’équipe a testé différents messages, différents formats, différents canaux, et affiné le ciblage pour toucher les étudiants les plus susceptibles d’être intéressés par le mentorat.
« Nous nous sommes améliorés sur le processus de conversion. Une fois que la personne était intéressée, il y avait tout un travail de chemin de conversion avec un dialogue jusqu’à son inscription » me rappelle Benoît.
De notre côté, nous avons financé l’achat d’espace pour les deux premières campagnes, car sans investissement dans la publicité, il est impossible de toucher suffisamment d’étudiants. À charge pour l’équipe digitale de l’AFEV et Ads For Change d’optimiser cet achat d’espace.
Professionnalisation de la mobilisation digitale : le rôle des experts
Un tournant décisif a été le recrutement par Benoît de Marine Tachon, experte en marketing digital, pour structurer et piloter la mobilisation digitale de l’AFEV. « L’arrivée de Marine a été déterminante, car elle a structuré l’efficacité du parcours de conversion » me racontait Benoît.
Son arrivée a permis de professionnaliser l’approche, de mettre en place des outils de suivi et d’analyse performants, et d’accompagner les équipes de l’AFEV dans l’appropriation de ces nouvelles méthodes.



Un nouveau modèle ancré à l’AFEV : vers une culture digitale durable
Aujourd’hui, la mobilisation digitale est pleinement intégrée à la stratégie de l’association. Le recrutement en digital est passé en trois ans de rien à plus de 50 % des mentors, permettant à l’association de réussir son passage à l’échelle et de passer de 9 800 à 22 000 mentors et de répondre aux exigences du plan 1 jeune, 1 mentor du gouvernement. En maîtrisant de plus en plus les différents paramètres des campagnes digitales, l’AFEV a développé une véritable culture de l’indicateur.
À présent, elle monitore leur performance en temps réel pendant les périodes de recrutement de bénévoles, ce qui lui permet d’optimiser en permanence ses actions. Mieux, l’association a développé de nouveaux indicateurs, au-delà du périmètre du simple processus de recrutement, pour suivre la durée de mise en place des binômes mentor/mentoré.
Et cette progression du recrutement digital se poursuit. L’objectif est désormais de recruter la majeure partie des mentors via le digital. L’AFEV a maintenant pleinement confiance dans le potentiel de cette approche. L’histoire de la mobilisation digitale de l’AFEV est celle d’une transformation réussie, fruit de la persévérance, de l’innovation et de la collaboration. Malgré les réserves de départ de toucher à des pratiques établies depuis longtemps en présentiel, la réussite de ce projet a rassuré l’association et l’a convaincue d’adopter une méthode agile pour ses futurs chantiers digitaux. L’implantation d’une véritable culture digitale à l’AFEV ouvre la voie pour d’autres transformations qui permettront à l’association de recruter davantage de bénévoles pour aider des jeunes en difficulté. Si la finalité de sa mission reste la même, les moyens pour y parvenir changent pour le mieux.

Léo Lambouley
Directeur d'investissement social Fondation AlphaOmega