AlphaOmega x Missions Locales / EPA

Faire cause commune pour l’insertion des jeunes avec les Missions Locales

Les occasions de collaborations entre associations sont rares, mais quand les planètes sont alignées, la conjugaison des savoir-faire et la bonne connaissance du besoin des jeunes peuvent faire des miracles. C’est justement ce qui a été expérimenté avec succès entre la Mission locale de Paris et la découverte de la création d’entreprise d’Entreprendre Pour Apprendre, pour le plus grand bénéfice des jeunes en insertion.

À retenir

  1. Acculturer les jeunes en insertion à la culture d’entrepreneurs
  2. Passer du rôle de conseiller des missions locales à celui d’animateur de groupe projet
  3. Permettre aux jeunes en insertion de prendre confiance dans leurs propres ressources par la mise en situation d’une Mini-entreprise

De la concurrence à la complémentarité : faire converger deux associations

Quand j’ai rencontré Philippe Brousse, directeur général adjoint de la Mission locale de Paris, il m’a tout de suite fait part du constat troublant que si les missions locales accompagnent des milliers de jeunes, les orientent, et les suivent, il se demandait si elles les aidaient bien à se révéler. Il voulait un accompagnement qui ne soit pas juste un empilement d’ateliers et de rendez-vous mais une véritable expérience où les jeunes reprendraient confiance en eux, se découvriraient des talents, et oseraient faire des choses qu’ils n’avaient jamais imaginées.

De notre côté, nous accompagnions Entreprendre pour Apprendre (EPA), une association qui a prouvé depuis des années que mettre des jeunes en situation d’entrepreneurs leur permet de développer des compétences, mais surtout de se sentir capables d’agir. Nous avions là deux associations aux forces complémentaires, mais qui jusque-là ne travaillaient pas ensemble. Et si la solution était là ? Et si au lieu d’envoyer les jeunes vers EPA, EPA venait directement à eux au sein de la Mission locale ?

Missions Locales / EPA
Missions Locales / EPAMissions Locales / EPA

Un programme “dans les murs”

Très vite, on s’est mis autour de la table avec Amandine Oudart d’EPA Île-de-France et Fouzia Bendelhoum de la Mission locale.

Notre ambition ?

  • Transformer la Mission locale en un véritable laboratoire d’expériences pour les jeunes.
  • Former les conseillers pour qu’ils deviennent aussi des animateurs de mini-entreprises.
  • Mobiliser des mentors du monde de l’entreprise pour aider les jeunes à croire en leur potentiel.


C’était un pari audacieux, et le lancement ne s’est pas fait sans heurts. Lors de la première expérimentation, 12 jeunes s’inscrivent… mais au bout de quelques jours, il n’en reste que 4. Je me souviens de ce moment où on aurait pu se dire « C’est trop dur, ça ne marchera pas. » Mais au contraire, on a cherché ce qui bloquait et on a compris une chose essentielle : ces jeunes n’avaient jamais vécu une expérience où leur avis comptait vraiment. Où ils étaient aux commandes. Comment pouvaient-ils percevoir ce que la Mini-entreprise pouvait leur apporter ?

Alors, on a adapté notre approche. On a redoublé d’efforts pour accrocher les jeunes dès le premier jour, en leur montrant qu’ils allaient vivre une expérience unique. Et peu à peu, la magie a opéré.

Une expérience qui change des trajectoires

C’est là qu’Amir (le prénom a été changé) entre en scène. Amir, 19 ans, avait décroché du lycée et enchaînait les petits boulots sans vraiment savoir quoi faire de sa vie. Il s’était inscrit à la Mission locale de Paris, sans trop y croire. Le jour où son conseiller lui a parlé de la Mini-entreprise, il s’est montré sceptique. « Encore un truc pour nous parler de monter sa boîte comme si c’était aussi facile… ». Pourtant, il accepte de rejoindre le dispositif et dès les premières heures, il sent que cette fois, c’est différent. Amir témoigne : « On nous a dit : vous avez une semaine pour monter un vrai projet et le défendre. Faites comme si c’était votre boîte. Là, j’ai capté que c’était du sérieux. »

Avec son groupe, il imagine un projet de fresques intergénérationnelles en EHPAD, pour créer du lien entre jeunes et seniors à travers l’art. L’idée prend tellement bien qu’elle est exposée aux Jeux Olympiques de Paris ! Et pour Amir tout est clair : il a trouvé sa voie. « Avant, je pensais que l’entreprise, ce n’était pas pour moi. Maintenant, je me dis que j’ai ma place et que je peux créer quelque chose. »

Aujourd’hui, il fait partie du groupement de créateurs de la Mission locale, prêt à lancer son propre projet.

La nouvelle formule fonctionne

À partir de ce moment-là, on a su qu’on tenait quelque chose de puissant. Nos premiers questionnaires de satisfaction sont encourageants : 60 % des jeunes nous disent qu’ils ont gagné en confiance en eux et 70 % se sentent plus à l’aise pour travailler en équipe. Côté impact, on perçoit immédiatement un changement chez certains jeunes comme Amir qui décident de se lancer dans l’entrepreneuriat. Et surtout, les jeunes parlent du programme autour d’eux. Le bouche-à-oreille fonctionne.

« On ne nous avait jamais demandé notre avis sur un projet avant » me confie une participante.

D’habitude, on nous donne des conseils, mais là, on a pris des décisions nous-mêmes. Ça change tout.

C’est à ce moment-là que la Mission locale de Paris a pris une décision forte : à partir de maintenant, tous les jeunes en CEJ sans projet professionnel passeront par cette Mini-entreprise. Cela représente 1 800 jeunes chaque année. Pour Entreprendre pour Apprendre, cela signifie une augmentation potentielle de 50 % du nombre de bénéficiaires en 2025.

Missions Locales / EPA
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Ce que je retiens de cette histoire

Je pourrais parler de chiffres, de partenariats, d’impact social… mais ce que je retiens, ce sont des visages, des moments, des déclics : le regard d’Amir quand il a compris qu’il était capable de mener un projet, l’enthousiasme des jeunes quand ils ont défendu leur idée devant des pros, et aussi le sourire d’un conseiller de la Mission locale qui m’a dit : « On fait enfin quelque chose qui change leur regard sur eux-mêmes. »

C’est ça, l’impact. On a prouvé qu’en réunissant les bonnes personnes, en croisant des méthodes qui marchent, on peut vraiment changer des trajectoires. Et ce n’est que le début, parce que quand on donne aux jeunes une place, une voix, une opportunité… ils prennent leur envol.

Satiche Delavictoire

Satiche Delavictoire

Directeur d’investissement social