Edito

Il était temps qu'on parle d'illettrisme

Il était temps d’en parler. Même si l’apprentissage de la lecture et son corollaire négatif, l’illettrisme, sont des sujets récurrents, il était temps que le Président de la République fasse de la lecture une grande cause nationale. Quelques jours avant l’annonce du président Macron, la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance attirait l’attention sur deux chiffres : en 2020, 9,5% de tous les jeunes de 16 ans participant à la Journée défense et citoyenneté (JDC) rencontraient des difficultés dans de lecture et 1/3 d'entre eux étaient même en situation d'illettrisme. Cela signifie que 10% des jeunes de 16 ans, (fin de la scolarité obligatoire), n’ont pas acquis un savoir fondamental comme celui de la lecture.

Comment l’expliquer ? Notre analyse est la suivante : si l’école est une condition nécessaire et suffisante pour 80% des élèves, pour les 20% restants, elle reste bien sûr nécessaire mais n’est pas suffisante.  Un exemple : les enfants issus de milieux modestes maîtrisent en moyenne 500 mots en classe de CP contre 2500 mots pour les enfants les mieux pourvus. Or on apprend beaucoup plus facilement à lire et à écrire les mots qu’on a déjà entendus et qu’a fortiori on maîtrise. Sans être exhaustifs, il existe bien d’autres facteurs favorisant l’apprentissage de la lecture comme avoir des échanges fréquents entre enfants et parents à la maison, des livres à portée de main, lire ou se faire lire une histoire afin que la lecture soit associée au plaisir et au partage. Ce sont ces facteurs favorables qui font souvent défauts aux enfants de milieux modestes. Ce sont ces facteurs qu’il faut suppléer pour que ces enfants aient les mêmes chances que les autres. C’est une question d’équité davantage que d’égalité. Et tout cela, ne nécessite pas nécessairement d'être mis en œuvre par l’école car celle-ci ne peut pas tout.

Juste un coup de pouce

L’association Coup de Pouce permet à des petits groupes de 5 enfants sélectionnés par leur professeur d’accéder à un moment privilégié, quotidien, après l’école. Les clubs proposent aux enfants de grande section de maternelle et de CP, des activités de développement du goût de la lecture, des jeux, des histoires, des échanges pour donner confiance et impliquent étroitement les parents dans le processus. A la fin de l’année, 80% des enfants sont devenus de bons lecteurs, de quoi aborder l’année de CE1 sur des bases solides. Son action est aujourd’hui visible à travers son initiative d’envergure, le Prix Coup de Pouce Gulli des Premières Lectures. Quel prix littéraire en France, peut s'enorgueillir de fédérer 6400 jeunes lecteurs de CP pour voter pour leur livre préféré et ainsi véhiculer une image dynamique et joyeuse de la lecture ? C'est bien la preuve que la lecture peut captiver l'attention des enfants, pour peu que ceux-ci soient bien accompagnés.

Un seul problème pourtant : cette solution ne touche aujourd’hui que 10% des enfants qui ont besoin d'un coup de pouce. Un besoin qui n’a rien de théorique.  Les enfants de 6 ans ne bénéficiant pas de ces clubs aujourd’hui, représenteront 10 ans plus tard, lors des Journées Défense et citoyenneté, 10% de jeunes sans réelles perspectives professionnelles.

10 ans, c’est court. En intervenant maintenant, de manière précoce, en permettant à Coup de Pouce de toucher plus d’enfants, on peut faire reculer l’illettrisme.

C’est ce à quoi travaille la Fondation AlphaOmega en accompagnant les grandes associations éducatives dont Coup de Pouce. Nous sélectionnons les associations sur des critères de qualité et de solidité de l’offre éducative, prouvés scientifiquement, et ayant atteint une taille critique et une implantation sur tous les territoires pour commencer à avoir un impact visible. Par un apport de financement et de compétences pour renforcer leur structure, la Fondation accompagne ces grandes associations dans la massification de leur action.

Alors oui, l’annonce du président Macron de faire de la lecture, la grande cause nationale de 2022, est une bonne nouvelle. Espérons que le Président s’emparera de la meilleure solution existante et qu’il permettra de massifier son action. En multipliant par 5 le nombre de bénéficiaires de Coup de Pouce, cela peut faire baisser significativement l’illettrisme en France. Mais au-delà de la lecture, cela contribuera à faire reculer le décrochage scolaire, cet autre fléau d’ampleur nationale.

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