Coéducation 

Les parents d’élèves cherchent leur place à l’école

 

Longtemps relégués, les parents d’élèves ont sur le papier une place reconnue à l’école mais les professeurs encore méfiants acceptent difficilement cet empiètement. Une « coéducation » est-elle possible ? La place des parents d’élèves à l’école pourtant dûment encadrée par des textes officiels est devenue source de malentendus sinon de conflits.

 

Les professeurs se plaignent de parents intrusifs, défiant leurs compétences et autorité en contestant leur pédagogie, les sanctions et même les notes. Notes qui ont pris une importance disproportionnée avec la plate-forme d'orientation Parcoursup , comme la réforme du bac, qui accorde une large importance au contrôle continu. Chaque note est devenue un enjeu, avec des parents qui ont acquis la conviction que la moindre évaluation peut décider du destin entier de leur enfant et de sa poursuite d’études » observe ainsi dans Le Monde Claire Guéville, secrétaire nationale responsable du lycée au SNES-FSU et professeure d’histoire-géographie.

Typologie des parents

enseignante à une réunion parents-professeursLe pédagogue Philippe Meirieu dresse ainsi la typologie des parents d’élèves, dans sa contribution au livre-enquête de Georges Fotinos, L’état des relations école/parents : entre méfiance, défiance et bienveillance» : à côté des «consommateurs stratèges » – qui arpentent le système scolaire comme un supermarché en quête du meilleur rapport « qualité-prix » –, à côté des « quémandeurs polis» – qui savent doser leurs sollicitations pour obtenir satisfaction sans agacer les enseignants et les cadres éducatifs –, on voit apparaître, les «  contestataires agressifs » qui n’hésitent pas à remettre en question les principes de l’institution républicaine, l’autorité des directeurs et des enseignants – plus spécifiquement des «  enseignantes », d’ailleurs –, qui vont au conflit sans scrupule avec les cadres éducatifs, contribuant ainsi à la dégradation du «  climat scolaire » et, donc, à l’échec de l’école et de leurs propres enfants ».

 

Ce climat scolaire est surtout dégradé pour les parents allophones ou éloignés des codes de l’école. Une situation aggravée par Parcoursup qui symbolise, aux yeux des familles les plus défavorisées, les inégalités à l’école. Le sociologue Pierre Périer explique ainsi dans  Le Monde : Devant ces réalités perçues comme injustes les parents les moins dotés, les «  invisibles », peuvent avoir tendance à se mettre encore plus en retrait, les parents les plus à l’aise avec l’école forcent leur avantage face à une institution en perte de légitimité ».  Il ajoute : « Pour les parents les plus vulnérables face à l’école, il y a alors le sentiment qu’on dépossède leurs enfants ». Il précise également, que « toutes les familles ne peuvent accéder au modèle élaboré par l'institution scolaire et l'accord se fait plus spontanément avec les classes favorisées plus en connivence avec les codes, normes et valeurs de l'école ».

Les groupes de parents WhatsApp où chacun s’épanche, tout comme les outils numériques de communication (à l’exemple de Paris Classe Numérique  PCN) et les réseaux sociaux ont exacerbé cette défiance entre les parents et les enseignants.

Plus grave, les cas tragiques de Samuel Paty dont l’identité et l’adresse ont été exposés par un parent d’élève sur les réseaux sociaux avant son meurtre – et celui de Dominique Bernard. Tout cela a accru la méfiance des enseignants sinon leur peur envers les parents d’élèves.

Une place reconnue et cadrée

Sur le papier, la place des parents d’élèves est bien cadrée et largement reconnue. Le ministère de l’Éducation nationale  affirme  ainsi les droits des parents à assurer leur rôle éducatif : un droit d'information sur le suivi de la scolarité et du comportement scolaire de leurs enfants, un droit de réunion s'exerçant dans le cadre de réunions collectives ou de rencontres individuelles, un droit de participation par leurs représentants, membres ou non d'une association, élus ou désignés pour siéger dans les instances des écoles et des établissements scolaires ». Les textes officiels font également référence à la notion de « coéducation »

Les parents d’élèves via leurs deux principales fédérations, la FCPE (Fédération nationale des conseils de parents d'élèves des écoles laïques) et la PEEP(Fédération des Parents d'Élèves de l'Enseignement Public) ont ainsi une large voix au chapitre, même si la participation des parents aux élections reste faible, un peu plus de 50% au collège, moins de 25% au lycée.

Nous sommes très loin des prémices et principes fondateurs de l’Éducation nationale au temps de Jules Ferry qui disait « seul l’État a le droit d’enseigner ». Une idée qui s’est perpétuée avec le très influent philosophe Alain (Émile Charrier 1868-1951) pour qui « l’école est faite pour libérer les enfants de l’amour de leurs parents ajoutant « la famille instruit mal et éduque mal ».

Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent pour une refondation des relations entre les parents et les enseignants. Philippe Meirieu plaide ainsi pour une école où les parents soient entendus – ce qui ne veut pas dire nécessairement approuvés – quand ils évoquent leurs difficultés et témoignent de leurs incompréhensions. Des parents qui se sachent respectés et respectent ainsi leurs interlocuteurs scolaires. Ainsi se dessine un avenir possible pour une École qui, sans renoncer à enseigner aux enfants « ce qui les réunit et ce qui les libère », le fasse avec l’engagement collectif des parents »

Si le principe de coéducation est bien reconnu dans les textes de l’Éducation nationale, cette cogestion de l’école reste à installer dans les faits au quotidien. Comme le reconnait le ministère lui-même : La coéducation fait officiellement partie des « gestes professionnels » que tout enseignant doit acquérir pour favoriser la réussite des élèves. Toutefois, établir un lien de confiance entre l’école et les familles n’est pas toujours aisé. »

Certains enseignants et pédagogues, comme Clothilde Jouzeau, expliquent vouloir que les parents soient aussi « acteurs » de la scolarité de leurs enfants. Mais, cette enseignante reconnait aussi la « frilosité » de ses collègues, pour qui la coéducation signifie « repenser leur posture d’enseignant », alors que rien dans leur formation ne les prépare à cette « gestion de classe ».

 

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