Niveau des enfants en lecture, une éclaircie à l'horizon ?

PISA, TIMSS, ICILS, ... derrière ces acronymes se cachent les grandes évaluations de niveau scolaire des élèves des pays de l'OCDE qui permettent de se figurer la place qu'occupent les élèves français dans les classements internationaux. Dernière évaluation en date, le PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire, en français) vient de révéler où se situent les élèves de CM1 sur la compréhension de l'écrit. La nouvelle semble bonne : pour la première fois, le niveau semblerait se stabiliser. Avec 514 points, les petits Français seraient au-dessus de la moyenne internationale de 500 points, classant la France à la 25e place sur 43.
Il ne s'agit pas du palmarès de l'Eurovision, mais cela y ressemble. Quand malgré une légère progression, la France reste en fond de classement en Europe, à la 16e place sur 19 pays... Cela est aussi dû à une performance moindre de la part des autres pays, la nouvelle n’est donc qu’à moitié bonne. Le PIRLS mesure la fluence (fluidité) en lecture et la compréhension du texte lu. Cette évaluation internationale avait eu lieu précédemment en 2016 puis en 2021. Entre les deux dates, la pandémie et la fermeture des écoles dans de nombreux pays ont eu des effets néfastes sur le niveau des élèves, sauf en France, dont la progression indique que la politique de maintien des écoles ouvertes a permis de préserver le niveau, voire de le stabiliser.Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle ? Difficile d’en tirer des conclusions définitives. En revanche, l’évaluation fait apparaître des résultats intéressants qu’il convient d’analyser :
Les filles (passant de 515 à 521 points) ont nettement mieux réussi que les garçons (stagnant à 507 points)
Cet écart corrobore une tendance des évaluations qui est que les filles dès la primaire s’affirment davantage dans le champ de la lecture et du langage. Les garçons tendent par la suite à avoir de meilleures notes en sciences à partir du collège. En revanche, l’écart est plus marqué que dans les autres pays d’Europe. Si les écarts de genres se manifestent très tôt du fait d’un développement du langage plus précoce chez les filles, **il reste important d’être attentif au fait que les jeunes Français n’ont pas suivi la même progression que les jeunes Françaises malgré l’écart. **
Les inégalités scolaires se sont creusées
Le score moyen en école favorisée accuse une baisse légère de 526 à 523 points, tandis que celui des écoles défavorisées décroche de 490 à 466 points entre 2016 et 2021. Or ce sont justement, les enfants issus de milieux modestes qui ont été le plus pénalisés en France par la période Covid avec les confinements. Le dédoublement des classes qui leur est destiné semble ne pas avoir fonctionné. L’évaluation révèle que la progression du niveau se voit surtout dans le premier quart, celui des meilleurs résultats, ensuite la baisse de niveau touche les moyens, tandis que les deux derniers niveaux, moins bons, stagnent.
L’évaluation PIRLS met en lumière une autre spécificité française qui est de renforcer le nombre d’heures dans une matière pour renforcer le niveau des élèves. Selon les milieux, cela n’a pas les mêmes effets. Pour les enfants qui disposent déjà des prérequis pour suivre une scolarité normale, du fait de leur environnement favorable, les heures supplémentaires vont favoriser une progression. Pour ceux qui accusent un décalage important en maîtrise du langage, du développement du goût de la lecture et des apprentissages, c’est inadapté.
Une approche pédagogique en cours de révision
Enfin, il apparaît que d’un point de vue pédagogie les enseignants français mettent davantage l’accent sur l’apprentissage de la lecture que sur le décodage et la compréhension critique des textes que leurs homologues européens. Ce point faible semble avoir été identifié car les réformes à venir doivent porter l’accent sur la compréhension.
Il faudra encore attendre 5 ans pour voir si les mesures mises en place par les gouvernements depuis 2016 sont les bonnes. D’ici là, en tant que fondation d’éducation, nous ne pouvons que rappeler que l’école ne peut pas tout et que le concours d’associations comme Coup de Pouce, à grande échelle, est plus que jamais nécessaire pour corriger ces lacunes en lecture.
Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega