Fondation de venture philanthropy, reconnue d’utilité publique et abritante.

Alors que toute l’attention de nos concitoyens est focalisée depuis plus d’un mois sur la situation dramatique en Ukraine, nous tenions à mettre en lumière une mesure phare concernant tout de même 1,5 million de  NEETS : le Contrat engagement Jeune (CEJ) en vigueur depuis le 1er mars. Les NEETS, ces jeunes de 15 à 29 ans, qui ne sont ni en emploi, ni en études ni en formation peuvent bénéficier du CEJ. Ce dispositif, qui fait suite à la Garantie Jeunes, propose une batterie de modes d’accompagnement pour les soutenir dans leur parcours d’insertion professionnelle de 15 à 20 heures d’activité par semaine et qui s’assortit d’un revenu de 500 euros par mois pour les plus démunis financièrement.     Nos premiers échos montrent que certains jeunes lui préfèrent des jobs précaires, car ils gagnent en deux semaines ce que le CEJ propose pour un mois. Quelle erreur ! Nous pensons à l’inverse que le CEJ donne une nouvelle chance à ceux qui ont perdu  espoir au terme d’un parcours scolaire chaotique et sont pris dans la spirale des petits boulots aux perspectives réduites. Nous vous expliquons pourquoi.

Quelle nouvelle chance pour ceux qui pensent n’en avoir eu aucune ?

Dire que le CEJ est une chance pour ceux qui pensent n’en avoir eu aucune ne serait pas exagéré. C’est plus précisément une nouvelle chance pour le jeune NEET de sortir de plusieurs formes de précarités : précarité psychologique du fait d’être isolé face à sa situation personnelle, précarité matérielle en matière de logement, de mobilité, précarité des petits boulots dans laquelle il peut se trouver depuis qu’il a quitté l’école sans diplôme et qui peut être usante du fait du manque de perspectives offertes, …

Or pour bien comprendre dans quelles situations et quel état d’esprit se trouve un jeune NEET, notre étude « Dans la tête d’un décrocheur » apporte de nombreux éclairages : 64% des femmes parlent d’angoisse quand elles évoquent leur parcours scolaire, 57% des NEETS leur peur d’échouer, 50% déclarent avoir le sentiment d’avoir été abandonnés du fait du manque de soutien, et 1 sur 2 disent avoir eu un grand manque d’estime d’eux-mêmes. Ces jeunes ont plus que d’autres, besoin de retrouver un cadre bienveillant, d’être entourés et accompagnés, pour certains, psychologiquement afin de rompre avec le tunnel d’émotions négatives qu’ils connaissent depuis trop longtemps. C’est un point de départ incontournable.

Ces émotions négatives cumulées depuis tant d’années représentent certainement une des raisons pour lesquelles 70% des jeunes quittant l’école, le font avant tout pour trouver un emploi rémunéré. Puisqu’ils ont eu le sentiment que l’école ne leur servait à rien, ces jeunes décrocheurs se lancent sans formation ou diplôme. La conséquence ? Entrant dans la spirale des petits jobs précaires, ils sont 1 sur 2 à regretter de ne pas avoir pu s’accrocher à l’école, et à 85% se disent pessimistes pour leur avenir. A ce sentiment d’être passé à côté de quelque chose d’important s’ajoute une grande difficulté à sortir de cette spirale. Ces jeunes que nous décrivont représentent 12,9% de la jeunesse de 15 à 29 ans en France, c'est énorme (source INSEE).

Se remettre sur des rails

Bien évidemment, la Fondation AlphaOmega défend chaque jour avec toute son énergie, les associations éducatives agissant en prévention du décrochage scolaire aux moments charnières où l’élève risque de perdre pied. Et bien que les statistiques révèlent que seul 1 jeune sur 4 a pu être accompagné par une association ce qui est trop peu pour prévenir activement le décrochage. Mais malheureusement, quand le jeune a déjà décroché, il faut recourir à la remédiation dont l’articulation avec sa situation précaire, est à la fois cruciale et complexe pour le remettre sur des rails.

Que nous dit l’étude « Dans la tête d’un décrocheur » ? Que 32% des NEETS ont connu un redoublement en classe de primaire du fait d’une mauvaise acquisition des fondamentaux. Que les garçons au collège sont 1 sur 4 à avoir connu d’importants problèmes de comportement. Que 48% des NEETS qui ont décroché au lycée et 29% dans l’enseignement supérieur, l’ont fait en raison d’une mauvaise orientation.

Ces trois ressorts sont justement abordés dans le parcours de 15-20 heures hebdomadaires proposé par le CEJ au sein des missions locales ou de Pôle Emploi : des formations préqualifiantes ou qualifiantes pour reprendre les fondamentaux et acquérir des compétences pour s’insérer professionnellement, des activités collectives pour intégrer des comportements compatibles avec le travail d’équipe, et enfin des expériences d’immersion et des stages pour trouver son orientation par une approche directe et concrète. Toutes ces activités doivent permettre au jeune de revenir sur cette expérience négative de son vécu à l’école afin de pouvoir aborder le monde professionnel débarrassé du sentiment de déclassement qu’il a pu connaître avec les petits boulots précaires. L’objectif est de lui redonner la possibilité de choisir une nouvelle voie, d’avoir des perspectives, de retrouver le contrôle de sa vie. Car insérer un jeune décrocheur, ce n’est pas faire correspondre un jeune à une offre d’emploi. C’est augmenter l’employabilité de ce jeune tant en termes de stabilité psychologique et de conditions de vie que de compétences et de savoirs-être.

Toutes ces activités doivent permettre au jeune de revenir sur cette expérience négative de son vécu à l’école afin de pouvoir aborder le monde professionnel débarrassé du sentiment de déclassement qu’il a pu connaître avec les petits boulots précaires.

J’insiste ici auprès des jeunes : ne favorisez pas le court au détriment du moyen terme. Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, la polémique sur le conditionnement d’un revenu à 15-20 heures d’activité par semaine nous semble être un raccourci faisant l’impasse sur le contenu des activités. Jugeons le CEJ sur ce qu’il propose, il peut vraiment faire la différence pour ceux qui aujourd’hui sont pessimistes pour leur avenir.

Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega