Fondation de venture philanthropy, reconnue d’utilité publique et abritante.

La première phase de Parcoursup est clôturée. Pour les heureux élus qui sont nombreux à avoir leur bac et leur affectation à la filière de leurs rêves, ils peuvent partir tranquilles en vacances, mais pour ceux qui sont encore sur liste d'attente ou qui doivent se rabattre sur une formation qui ne les motive pas, l'été risque d'être long. Le problème serait-il Parcoursup comme les critiques aiment le souligner à longueur d'année ? Ou bien est-ce toute la démarche d'orientation et l'offre de l'enseignement supérieur qui devraient se transformer en profondeur ?

Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega répond point par point.

1. Parcoursup est-elle une boîte noire ?

E.E. : On critique Parcoursup à longueur d’année, en se focalisant sur la partie algorithmique qui agit comme une gare de triage permettant de faire correspondre au mieux les vœux des candidats aux formations convoitées, un peu comme une appli de rencontre procède pour le matching. Pour autant, cette phase algorithmique est suivie d’une procédure longue où les candidatures sont analysées par les personnels des formations, donc de manière humaine et pas robotique comme on aime caricaturer Parcoursup. Si l’algorithme est connu et disponible de manière ouverte pour qui veut comprendre comment il fonctionne, c’est plutôt sur la manière dont les formations pondèrent leurs différents critères que réside une certaine opacité. Et c’est sur cette opacité qu’une évolution s’impose selon nous pour que Parcoursup soit pleinement en phase avec sa mission d’égalité des chances.

La réalité, c’est que malgré les fiches descriptives que l’on trouve sur le site de Parcoursup, il est bien difficile pour les élèves de comprendre quels sont les critères d’élection des différentes filières et ce qu’il faut avoir comme niveau. Ainsi, avoir 14 de moyenne ne signifie pas grand-chose. Est-ce 14 de moyenne avec 18 en maths, ou bien 14 de moyenne avec 16 en géopolitique. Avoir 18 en mathématiques signifie-t-il qu’un élève est plus motivé qu’un autre pour faire Sciences Po ? La motivation est une question centrale en orientation, or aujourd’hui, Parcoursup transmet les candidatures des lycéens uniquement sur dossier. Dans certaines filières, l’afflux des dossiers est tel que le choix se porte sur certains critères invisibles pour le candidat. A notes égales, pourquoi ne pas faire passer un entretien de motivation plutôt que de faire passer aux élèves un grand oral au moment du bac qui ne fera pas du tout la différence pour son acceptation dans la filière qu’il convoite ? Et si l’élève a un doute sur la faisabilité de ses choix, pourquoi ne pas mettre en place un système de simulation pour tester ses résultats pour la filière qu’il convoite avant de faire un vœu ?

2. Faut-il revoir l'accès aux études supérieures ?

E.E. : Il y a plusieurs points à avoir en tête et qui causent de véritables difficultés aujourd’hui. La majeure partie des lycéens se presse aux portes d’un petit nombre de formations dites en tension, c’est-à-dire avec bien moins de places que de postulants. On constate que ces choix sont à peu près identiques depuis des années alors que la société française, les métiers, l’économie changent énormément. Par exemple, beaucoup de lycéens se dirigent vers les facs de droit pour « ne pas se fermer de portes » ou vers la psychologie parce qu’ils ont une image précise de ce qu’est un psychologue, sans se douter qu’ils ne toucheront à la psychanalyse que tardivement dans le cursus. Dans les faits, ils commenceront plutôt par des statistiques et de la biologie. Idem pour les formations STAPS qui attirent ceux qui aiment le sport, ne se projetant qu’en prof de sport alors qu’il existe bien des filières parallèles prenant en compte ce goût pour le sport. Etc. Et, à cela, il faut ajouter que ce n’est pas parce qu’une filière est en tension qu’à la sortie l’étudiant qui aura lutté pour faire sa place, va trouver un débouché.

S’il fallait une première condition pour un plus juste accès aux études supérieures, je pencherais plutôt pour que les pouvoirs publics mettent l’accent sur la création d’un plus grand nombre de places dans les actuelles filières en tension où à la sortie là où les débouchés sont assurés.

L’équation est simple. Aujourd’hui, on manque de médecins en France, et les lycéens plébiscitent les études de médecine, donc il y a un sens à faire porter l’effort sur une augmentation massive du nombre de places. Bien sûr, la puissance publique s’est déjà emparée de cette question complexe mais il demeure un sous-investissement chronique dans ces filières de l’enseignement supérieur.

Pour créer des places, il faut des professeurs en nombre, des bâtiments supplémentaires, du matériel, une gestion RH plus complexe, mais on pourrait imaginer des dispositifs de transition à court terme comme certains enseignements de cours magistral en distanciel d’un côté et des TD en présentiel de l’autre dans la logique des Campus connectés que l’Etat développe en France mais qui à l’heure actuelle représentent 89 campus pour… 3500 établissements d’enseignement supérieur publics et privés.

Évidemment, on se concentre beaucoup sur les dysfonctionnements que la procédure de Parcoursup met en lumière dans l’accès aux études. Mais je pense que ce résultat est aussi le fruit de lacunes importantes dans la démarche d’orientation où finalement les adolescents et leurs parents s’en tiennent à quelques métiers connus, quelques filières attrayantes ou perçues comme des valeurs sûres. Alors que derrière, la réalité des métiers de demain est tout autre dans la plupart des cas.

3. Comment aborder la démarche d'orientation pour éviter ces écueils qui reviennent chaque année ?

E.E. : Pour beaucoup de jeunes, la démarche d’orientation commence vers la 3e, c’est un bon moment pour commencer à découvrir les métiers, faire un stage pour rendre tout cela concret et ensuite au lycée, s’orienter petit à petit en précisant les spécialités. Mais tout cela, c’est en théorie.

Dans la pratique, tout le monde ne fait pas un stage en 3e dans un domaine qui va lui donner envie de poursuivre dans cette voie. En seconde, les jeunes doivent choisir 3 spécialités dans un catalogue de 26, qu’ils réduiront à 2 en Terminale et à peine auront-ils traversé le 1er trimestre, qu’ils seront paralysés devant le site Parcoursup, et leurs parents aussi. Car je le rappelle, on demande aux jeunes de faire 10 vœux voire plus s’ils choisissent l’apprentissage, et doivent avoir pour chacun un projet motivé.

La démarche d’orientation couvre de nombreuses dimensions qui se résument en 3 mots-clés : savoir, vouloir et pouvoir. Cela signifie que pour bien s’orienter, un élève doit prendre un temps pour apprendre à se connaître - un temps dédié à se renseigner et s’informer sur ce qui existe pour découvrir ce qui l’intéresse. Puis il doit être est au clair sur ses aspirations, se projeter dans des études ou un métier et être motivé à vouloir y arriver. Ensuite, se pose donc la question des moyens pour y parvenir : quels résultats, et dans quelles matières, lui permettront d’accéder à la bonne filière de formation.

Tout cela ne se fait pas en quelques semaines, même si c’est malheureusement une expérience partagée par beaucoup trop d’élèves en classe de Terminale à la veille de Parcoursup. Il s’agit en réalité d’une démarche au long cours, s’appuyant sur une véritable méthodologie, et qui doit commencer bien plus tôt qu’en classe de 3e. Et lorsque la démarche est assimilée par les élèves sur plusieurs années, il importe peu que les jeunes changent d’avis en cours de route, ce qui compte c’est qu’ils aient la capacité de repenser leur projet au fur et à mesure des années. C’est ce que pousse la Fondation auprès des pouvoirs publics à travers les associations qu’elle soutient.

Je pense, par exemple, à Energie Jeunes qui fait des merveilles pour donner à travers des sessions de motivation en classe à des collégiens, les outils pour se fixer un but et des étapes pour l’atteindre. Je pense aussi, à Entreprendre Pour Apprendre, qui à travers un jeu de rôle des métiers, permet à des jeunes adolescents de découvrir les métiers de l’entreprise - qu’ils ignorent la plupart du temps. Je pense enfin, à Article 1, qui accompagne les élèves au lycée mais aussi les enseignants dans cette démarche d’orientation, à la fois pour tester des pistes, rencontrer des étudiants et des professionnels mais aussi pour se débarrasser des stéréotypes de genre et des croyances limitantes.

Pour moi, ces grandes associations éducatives, doivent, en complément de l’école, permettre aux jeunes d’entrer dans la logique de l’orientation dès l’entrée au collège. Plus les jeunes intègreront cette compétence à s’orienter, plus ils se concentreront sur ce qu’ils veulent vraiment faire le moment venu, plutôt que de se diriger comme chaque année, vers les mêmes filières, sans l’idée de ce qu’il y a à la sortie. Il faut sortir de ce cercle vicieux. Ce n’est pas une fatalité car Parcoursup ne fait que matérialiser le manque de préparation à la démarche d’orientation.

Pour en savoir plus

Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega est allée sur le terrain rencontrer les associations qui proposent des solutions à tous les moments charnières du parcours scolaire.

Retrouvez des témoignages et des méthodes sur la démarche d'orientation dans son ouvrage "Retrouver les chemin de l'école" aux éditions Fayard