Fondation de venture philanthropy, reconnue d’utilité publique et abritante.

Le verdict est tombé : les jeunes Français sont de plus en plus mauvais en maths, pire ils sont dans les derniers dans le classement international TIMSS 2019 selon l'étude CEDRE 2008-2014-2019 publiée cette semaine. Cette chute continue depuis 2008 et qui s'est accélérée a donné lieu à d'importantes réformes de l'enseignement en mathématiques pour corriger le tir, mais il faut du temps pour voir les premiers effets. La dernière réforme, dite Plan « Villani-Torossian » de 2018, qui renforce la formation continue des professeurs ne portera pas ses fruits avant la prochaine évaluation mais prend à bras le corps certaines problématiques. En attendant, les explications du faible niveau en maths, se bousculent et posent de multiples questions, sur la formation des enseignants, leurs affectation, l’attrait du métier en particulier pour ceux qui ont une formation en mathématiques leur ouvrant des carrières mieux reconnues et rémunérées… On doit sans doute aussi s’interroger sur les programmes, leurs ambitions, le fait qu’ils nécessitent souvent pour être assimilé, l’aide, des parents ou d’autre, aggravant ainsi le poids des inégalités sociales.

Néanmoins il n’y a aucune fatalité à ce déclin mais un défi qui mérite une large mobilisation. Ainsi, l’Angleterre (517 points) longtemps en mauvaise position depuis 1995 avait rattrapé son retard et s’était hissée au-dessus de la moyenne fatidique des 515 points rejoignant le groupe de tête dans lequel figurent les pays d’Asie du Sud Est tandis que la France avec ses 489 ferme la marche avec le Chili. En Angleterre, un important travail de formalisation des bonnes pratiques évaluées a été effectué via l’EFF (Education Endowment Foundation). L’efficacité de ces bonnes pratiques est prouvée pour améliorer notamment le niveau en mathématiques. Cette approche fondée sur la politique de la preuve met en avant 8 pratiques validées : utiliser les évaluations pour comprendre l’état des connaissances et comment l’élève comprend les problèmes, manipuler des objets physiques et recourir aux représentations comme étape avant de passer à l’abstraction, enseigner des stratégies de résolution de problèmes, permettre à l’élève à développer et mobiliser ses outils mathématiques, lui permettre de développer son autonomie et sa motivation, choisir ses outils mathématiques pour répondre à une problématique, faire participer les élèves de manière guidée, être vigilant sur la transition entre le primaire et le collège.

Pour nous, Fondation qui soutenons les 7 plus grandes associations éducatives accompagnant les élèves issus de milieu modeste, nous pouvons partager l’expérience de ces acteurs éducatifs.

Pour les actions de prévention précoce, dès l’acquisition des fondamentaux, base pour lutter contre de futurs décrochages, l’expertise de l’association Coup de Pouce sur son ingénierie pédagogique pour le renforcement des compétences en mathématiques pour les très jeunes élèves (CP – CE1), est à écouter attentivement. Voici les principaux points qu’elle observe :

  • Comprendre les énoncés de problèmes de mathématiques représente une suite d’obstacles pour les enfants issus de milieu modeste plus fréquemment pénalisés par leur formulation que les autres.
  • Pratiquer certains jeux (dames, échecs, petits chevaux, cartes), est plus fréquent dans les milieux aisés. Cela permet aux enfants de développer des compétences transverses.
  • Maîtriser le langage, bien connaître les nombres avant de commencer les additions ou les multiplications, manipuler des objets réels comme un boulier,… ou encore rendre une situation concrète pour poser un problème mathématique, représentent des étapes trop souvent considérées comme acquises alors qu'elles ne vont pas de soi.
  • Acquérir les outils préalables à la bonne compréhension des énoncés est d’autant plus nécessaire que ceux-ci se compliquent au collège et plus tard.
  • La majeure partie du temps d'un enfant, se passe hors de l'école. Ce qu'il s'y passe ou pas a des effets majeurs sur le développement de ses capacités. Les clubs CLEM, apportent aux enfants ce qu'ils n'abordent pas en classe : jouer, manipuler, dédramatiser le problème pour se concentrer sur la matière mathématique et lever cette principale difficulté d'accès.

Nous retrouvons à travers le témoignage de Coup de Pouce, certaines pratiques énoncées par l’EFF à travers la prise en compte de la compréhension de l’enfant, de l’usage d’outils et d’objets physiques avant d’aborder l’abstraction, mais aussi l’appropriation des maths comme un outil pour résoudre des problèmes. Les associations complémentaires de l’éducation nationale avec lesquelles nous travaillons, et qui apportent un soutien actif aux enseignants, aux enfants et à leur famille, sont des acteurs indispensables qui méritent d’être davantage reconnus et pris en compte dans l’élaboration des évolutions et réformes de l’éducation nationale. C’est ensemble que nous pourrons relever ce défi que représente « la bosse des maths ».

Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega