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Dans le monde de l’éducation, les statistiques liées aux difficultés scolaires ne sont pas légion. C’est bien dommage car l’impact de la pandémie sur le décrochage scolaire n’a pas encore été synthétisé. Que ce soit à l’occasion d’une prise de parole des pouvoirs publics ou ponctuellement de l’initiative d’acteurs extérieurs à l’Etat. C’est pour cela que le récent baromètre annuel de l’éducation d’OpinionWay pour les Apprentis d’Auteuil s’avère donc une précieuse source d’informations pour dresser un état des lieux.

L’originalité de cette consultation est qu’elle agrège les réponses : des jeunes de 16 à 25 ans se disant en difficultés scolaires ou sociales, des jeunes sans difficultés particulières et des parents couvrant de manière représentative l’ensemble de la société française. Les conclusions mises en avant confirment bien qu’il y a un impact massif de la pandémie sur la jeunesse au niveau éducatif, un point sur lequel les pouvoirs publics restent soit pudiques soit exagérément rassurants.

Alors que dit ce baromètre ? En 2020, 79% des jeunes interrogés disaient que la crise sanitaire a eu un fort impact sur la poursuite de leur étude, en 2021, ils sont 87% à le manifester. Et sur la dégradation de leur état psychologique : en 2020, 77% s’en plaignaient, en 2021 ils sont 86% ! Il dit également que 55% des jeunes percevaient que l’échec scolaire était en augmentation en 2020, à présent ils sont 62% en 2021. D’ailleurs pour étayer cette perception, OpinionWay emprunte à l’INSEE ses dernières statistiques de 2021. Sur l’échec scolaire, l’organisme d’Etat estime qu'1 jeune sur 5 (17%) est concerné soient… 1 300 000 jeunes de 16 à 25 ans en France. Il s’agit d’un impact massif sur ces deux dernières années qui annonce des difficultés sur le long terme. Le décor est planté et nous pouvons maintenant examiner les causes et conséquences qui en résultent sur le plan éducatif.

En effet, au-delà de ces chiffres écrasants, les causes apparaissent à la lumière de ce baromètre. Sont mis en avant :

  • le sentiment des jeunes que le système éducatif est inadapté à leurs attentes (pour 77% des jeunes les plus en difficultés) car il ne tiendrait pas compte des difficultés d’apprentissage et ne valoriserait pas assez les talents et compétences.
  • le contexte familial des jeunes (pour 71% des jeunes les plus en difficultés) avec des parents leur paraissant peu impliqués, ne leur donnant pas assez confiance ou ne les valorisant pas assez.

Enfin, du côté des parents interrogés, 29% déclarent avoir baissé les bras, dépassés par les difficultés de leur enfant.

Ces facteurs mis en lumière par le baromètre confirment des constats que fait la Fondation AlphaOmega et des pistes de solutions qu’elle met en pratique à travers les associations que nous soutenons.

Tout d’abord, une évidence, celle d’un besoin d’alliance éducative autour du jeune. La crise sanitaire a mis à mal les jeunes sur deux points majeurs de leur vie que sont la vie familiale et la scolarité, et dans des proportions plus importantes pour ceux issus de milieux modestes. Et c’est normal. Le premier soutien est la famille, le deuxième à l’extérieur est l’enseignant. Ces deux piliers de l’éducation ont été ébranlés par les vagues successives de Covid-19, et l’on voit à travers les chiffres que l’école reste une condition sine qua non de l’éducation, et que les difficultés vécues par les parents face à l’échec scolaire sont majeures.

En complément de ces deux piliers de l’éducation, les associations représentent un appui nécessaire et adapté car elles apportent justement les ressources qui font défaut aux deux premiers, et cela en coopération éducative. Les associations agissent aux côtés de l’école pour apporter aux enseignants des approches et des solutions pour les élèves que le temps de la classe ne permet pas de résoudre. Certaines d’entre elles introduisent également les parents dans leur dispositif.

C’est par exemple le cas de Coup de Pouce, qui permet à des enfants identifiés pour leurs difficultés, d’acquérir et de se renforcer dans les fondamentaux que sont lire, écrire, compter, dans un cadre aménagé après l’école avec la participation des parents et sous la supervision d’un enseignant.

C’est également ce qui est au cœur de la démarche de l’Afev qui met en contact des enfants et des jeunes avec un mentor-étudiant se déplaçant au domicile. Le lien qui se tisse entre l’étudiant et l’enfant est primordial, mais il n’oublie pas qu’un autre lien a tout autant besoin de se créer : celui avec les parents. Dans ce cas, l’étudiant peut jouer un rôle de guide ou de conseil auprès de la famille tout entière.

Ensuite, un constat éclairé par les réponses des jeunes dans le baromètre sur l’inadaptation du système scolaire à leurs attentes : l’école peut beaucoup mais elle ne peut pas tout. Or il apparaît dans les réponses que ces attentes sont spécifiques (être valorisé ne va pas toujours de pair avec le système de notation, être reconnu pour certaines compétences est compliqué quand elles ne sont pas scolaires à proprement parler). Je pense à l’approche d’Entreprendre Pour Apprendre, qui vers l’âge de 14-15 ans, propose aux élèves de se mobiliser autour d’un projet de mini-entreprise en équipe restreinte et de jouer au jeu de rôle des métiers (être le manager, le financier, le créatif, le commercial, …).

Ces mini-entreprises permettent aux jeunes de devenir acteurs d’un type de projet qu’ils ne seraient pas amenés à développer habituellement en classe. La mini-entreprise a l’avantage d’être très concrète, avec des résultats tangibles à la fin (un produit à fabriquer et à commercialiser) où chacun peut prendre conscience de ses talents en dehors de tous critères scolaires et reprendre confiance en soi.

**Mais ce qui apparaît aujourd’hui, à la lumière de ce baromètre, c’est que les raisons du décrochage scolaire restent souvent identifiées à travers un faisceau de facteurs familiaux, sociaux, personnels et d’attentes éducatives peu détaillées et que cela nécessiterait un approfondissement. **L’enjeu ? pouvoir mieux identifier les moments charnière de risque de décrochage pour les parents et les enseignants et le cas échéant solliciter en complément le concours d’associations éducatives adaptées, dans une logique préventive solide pour que demain, les jeunes de 16-25 ans soient capables de nous dire : « quand mes difficultés en classe ont commencé, mon prof a su m’accompagner et me faire rencontrer des associations qui m’ont aidé à surmonter ces difficultés. Sans ces rencontres je ne serai pas là où je suis aujourd’hui ».

Heureusement, de tels témoignages existent déjà, et nous les retrouvons justement dans la bouche des jeunes qui ont été accompagnés par les associations que nous soutenons : des enfants qui ont développé le goût de la lecture, des adolescents qui ont découvert et développé leur motivation intrinsèque pour poursuivre leurs études, des anciens mentorés qui se souviennent à quel point leur rencontre avec un mentor a changé le cours de leur vie, etc.

Nous sommes intimement convaincus que le décrochage scolaire n’est pas une fatalité, continuerons de travailler à le faire reculer pour qu’un jour il soit éradiqué.

Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega